PREVENTION DES CONFLITS D’INTERETS : UTILISATION DU PRINCIPE DE DEPORT

Mis à jour le 12/05/2023
La loi « 3DS » du 21 février 2022 a posé le principe selon lequel le seul fait qu’un élu soit désigné, en application de la loi, pour représenter la collectivité ou le groupement de collectivités au sein de l’organe décisionnel d’une autre personne morale ne permet pas de le considérer comme intéressé à l’affaire lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur une affaire intéressant cette personne morale.
Afin de clarifier ces nouvelles dispositions et de répondre plus généralement aux questions pratiques que se posent les élus en matière de conflits d’intérêts, une FAQ Foire aux questions, disponible ci-dessous, a été élaborée par la DGCL et la Direction des affaires criminelles et des grâces, en concertation avec les associations d’élus.

L’article 217 de la loi 3DS rétablit, dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), un article L. 1111-6 qui clarifie les règles de prévention des conflits d’intérêts pour les élus qui appartiennent aux organes décisionnels de deux entités, en application de la loi : une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales et une autre personne morale publique ou privée.

En effet, cet article détermine les cas dans lesquels un déport est nécessaire. Il modifie également l’article L. 1524-5 du CGCT pour clarifier les règles de prévention des conflits d’intérêts pour les élus représentant les collectivités ou groupements, actionnaires au conseil d’administration ou de surveillance des entreprises publiques locales (EPL).

1. Le principe et les obligations de déport

Le nouvel article L. 1111-6 du CGCT pose un principe : le simple fait pour le représentant d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales de participer à l’organe décisionnel d’une autre personne morale, publique ou privée, et cela en application de la loi, ne suffit pas à qualifier un conflit d’intérêts. Ce principe s’applique tant à l’égard de la collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales qu’à celui de l’autre personne morale publique ou privée (réciprocité des règles applicables).

Autrement dit, lorsque la présence de l’élu est prévue par la loi, cette présence n’est pas suffisante pour qualifier à elle seule une situation de conflit d’intérêts.

Cet article L. 1111-6 précise les cas de déport obligatoire et, à l’inverse, les situations dans lesquelles le représentant d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales peut siéger au sein de l’organe décisionnel où il représente, en application de la loi, sa collectivité ou son groupement.

En modifiant l’article L. 1524-5 du CGCT, l’article 217 de la loi clarifie également les règles de prévention des conflits d’intérêts pour les élus représentant les collectivités ou groupements, actionnaires au conseil d’administration ou de surveillance des entreprises publiques locales (EPL). La seule qualité de mandataire ne suffit pas à caractériser un tel conflit lorsque la collectivité ou le groupement actionnaire délibère sur ses relations avec l’EPL.

De la même façon, les règles prévues par le code de commerce, obligeant les élus à se déporter lors d’un conseil d’administration ou conseil de surveillance de l’EPL intéressant leur collectivité ou groupement, ne sont pas applicables, l’élu n’étant alors pas considéré comme intéressé à l’affaire examinée de par sa seule qualité.

A l’image des dispositions de l’article L. 1111-6 du CGCT, certaines situations appellent toutefois une vigilance particulière.

Pour rappel, le conflit d’intérêts a été défini à l’article 2 des lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique comme : toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction.

En premier lieu, l’élu doit se déporter :

-lorsque la délibération ou, le cas échéant, la décision envisagée a pour objet :

l’attribution d’un contrat de la commande publique à l’autre entité concernée ;

l’octroi d’une garantie d’emprunt à cette entité ;

l’octroi d’une aide revêtant l’une des formes prévues au deuxième alinéa du I de l’article L. 1511-2 du CGCT et au deuxième alinéa de l’article L. 1511-3 du même code, à savoir, les aides revêtant la forme de prestations de services, de subventions, de bonifications d'intérêts, de prêts et d'avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que les conditions du marché, de rabais sur le prix de vente, de location ou de location-vente de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés, de prêts, d'avances remboursables ou de crédit-bail à des conditions plus favorables que celles du marché. Pour les EPL, il s’agit des aides régies par le titre Ier du livre 1er du CGCT ;

 sa désignation au sein de cette entité ou sa rémunération.

- lors des commissions d’appel d’offres ou de la commission prévue à l’article L. 1411-5 du CGCT dans le cadre des délégations de service public, si l’autre entité est candidate.

La loi prévoit les effets du déport prévu par l’article L. 1111-6 du CGCT sur le calcul du quorum. L’article L. 2131-11 du CGCT a ainsi été complété afin de préciser que si un élu se déporte il n’est pas comptabilisé, pour le calcul du quorum, parmi les membres du conseil municipal.

En deuxième lieu, l’élu n’a pas à se déporter lorsque :

- la délibération porte sur une dépense obligatoire au sens de l’article L. 1612-15 du CGCT, à savoir les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé ainsi que le vote du budget ;

- l’autre entité est :

une autre collectivité territoriale ou un de ses groupements ;

un des établissements mentionnés par les dispositions des articles L. 123-4 et L. 123-4-1 du code de l’action sociale et des familles et l’article L. 212-10 du code de l’éducation, à savoir les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale ou les caisses des écoles.

2. Les effets de la mesure en cas de non-respect des mesures de prévention

Les articles L. 1111-6 et L. 1524-5 du CGCT rappellent les conséquences du non-respect des mesures de prévention. Dans de tels cas, les dispositions des articles L. 2131-11 du CGCT, 432-12 du code pénal et de l’article 2 des lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique peuvent trouvent à s’appliquer.

Le risque juridique est double :

- La décision est elle-même fragilisée car entachée d’une illégalité. Elle est ainsi susceptible d’être annulée par le juge administratif. De ce fait, la responsabilité de la collectivité peut être engagée devant ce même juge pour illégalité fautive.

- La responsabilité pénale de l’élu peut être engagée devant le juge pénal. Il peut être reconnu coupable personnellement du délit de prise illégale d’intérêt.

Cette infraction, sanctionnée de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende, est caractérisée par la réunion de deux éléments :

-un élément matériel : une prise d’intérêt. La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a précisé la qualification de cet intérêt : un intérêt de nature à compromettre l'impartialité, l'indépendance ou l'objectivité de la personne ;

- un élément intentionnel : la personne doit avoir pris sciemment cet intérêt, sans pour autant que son intention ait été d’en retirer un avantage personnel.

3. Application dans le temps

Ces dispositions sont d’application immédiate à l’entrée en vigueur de la loi 3DS, soit depuis le 23 février 2022. Les dispositions de l’article L. 1111-6 et L. 1524-5 du CGCT ne sont donc applicables qu’aux situations postérieures à cette date. Par exemple, dans le cadre d’un recours en annulation d’une délibération prise avant l’entrée en vigueur de cette loi, les dispositions précitées ne seront pas applicables.

Aux termes de l’article 432-12 du code pénal :Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction. (…).

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